dimanche 15 décembre 2019

Vernix

Vernix, la vallée de la Sée remembrée

Sortie du dimanche 15 décembre


Les hivernants en vallée de la Sée

    La vingtaine de participants se retrouve au bourg de Vernix pour ensuite se garer de l'autre côté de la vallée. Avec les pluies importantes survenues depuis plus d'un mois, les prairies sont en bonne partie inondées. Les mouettes rieuses les fréquentent, les goélands argentés, le grands cormorans les survolent. Nous y voyons, en bordure de l'eau, les étourneaux sansonnets, les pipits farlouses et spioncelles, le merle noir, la poule d'eau, la bergeronnette de Yarrell. Tous y trouvent facilement les invertébrés qui remontent dans le sol, chassés par la montée des eaux.
étourneaux sansonnets

    Dans les zones habitées, les vergers permettent de voir le moineau domestique, la tourterelle turque très liés à l'habitat humain. Les ouvertures d'un vieux bâtiment portent des traces de fiente : une chouette effraie habite ici ! Ses pelotes de réjection ont été étudiées il y a quelques années, vous en trouverez une analyse plus bas. Le grimpereau des jardins se laisse longuement observer. La fauvette à tête noire fréquente les pommiers envahis de gui : les baies qui mûrissent maintenant permettent à quelques individus de rester en hiver chez nous.

grive litorne
    Trois espèces de grives sont rencontrées : la grive musicienne, présente toute l'année ; les grives mauvis au sourcil crème et la grive litorne ne sont là que pour l'hiver.

grive mauvis
    Circulant sur tout le territoire, les mésanges à longue queue, les chardonnerets élégants, les roitelets huppés n'ont pas été vus par tout le groupe, c'est dommage. une bergeronnette des ruisseaux recherche sa nourriture dans la boue, près d'un bâtiment agricole.

bergeronnette des ruisseaux
    Une pie bavarde, un geai des chênes, un pic épeiche, un faucon crécerelle sont aussi rencontrés.

pic épeiche

 

Comprendre le paysage

Le lit majeur en partie inondé

    Dimanche, nous avons seulement circulé sur une petite route communale au cœur de la vallée, d’abord dans le lit majeur (la partie plate inondable de la vallée), puis sur le rebord du relief en limite de la zone inondable. Le paysage actuel est bien différent de celui qui a disparu en 1983 lors du remembrement. Impossible d’imaginer les prairies riches en jonc et en baldingère. Seuls subsistent des tronçons des anciennes haies boisées doublées de leur fossé. Les fossés profonds et rectilignes creusés par les pelleteuses lors du remembrement ont servi a drainer les prairies actuelles où le jonc est devenu plus rare. Le paysage est maintenant très ouvert. Seuls subsistent des arbres isolés témoins de l’ancien parcellaire. Certains fossés ont été depuis colonisés par les saules et les ronciers, habitat favori du traquet pâtre.

une ancienne haie

    Quand le relief des pentes en limite est très marqué, la prairie laisse la place au bosquet de merisiers plantés il y a plusieurs dizaines d’années (et aussi de peupliers exploités il y a deux ans). Il abrite une petite corbeautière de freux. Plus loin, les ronciers commencent à coloniser la prairie non exploitée : les bovins ont laissé la place au fauchage, là où le relief le permet. L’exemple est typique d’une évolution à venir des espaces agricoles : pour commencer, toutes les parcelles non mécanisables seront abandonnées. Pour quel futur ? Les naturalistes n’ont pas peur du mot « friche », la nature sait toujours bien se réinstaller sur des espaces laissés « en libre évolution ». La biodiversité a tellement reculé partout dans les espaces maitrisés par l’activité humaine qu’un peu de liberté n’est pas  de trop… Si ces terres ne produisent pas de lait à l’avenir, elles produiront une eau de qualité qui sera une autre production indispensable à nos successeurs. Le pompage prévu directement dans la Sée à Tirepied aura bien besoin de cette eau…
pipit farlouse

    Le reste du parcours est plus classique : fermes et haies d’ornement, vergers reliques, stabulation, parcelles labourées, chemin creux abandonné (et rescapé du réaménagement foncier qui était en général tragique pour le réseau des chemins comblés au bulldozer !) Il y aurait beaucoup à dire sur ces autres éléments du paysage, y compris positivement : c’est là que le moineau domestique et la chouette effraie sont installés…




pipits spioncelles

Résultats de l’analyse de pelotes de réjection de Chouette effraie des « Vaux de Sée »/Vernix/50

récoltées par Jean Collette le 20/03/2013 dans la grange d’une ferme


Matériel biologique : 237 pelotes entières, morceaux de pelotes et crânes isolés



entrée dans le logis de la chouette
     L’analyse de ce très volumineux lot de pelotes montre que l’effraie qui les produit exploite une large palette de proies (incluant oiseaux, amphibiens et gros insectes) dans un espace probablement très diversifié. Ainsi, bien que constituant le micromammifère le plus fréquemment capturé, le Campagnol des champs, Rongeur type des milieux ouverts, n’entre que pour 28,4% dans le régime alimentaire. A l’inverse, la bonne représentation (26,1 %) des petits Insectivores, parmi lesquels dominent les musaraignes du genre Sorex, illustre bien la complexité de l’environnement et la présence de haies. Avec la Musaraigne couronnée, la Musaraigne musette, le Campagnol agreste, le Campagnol souterrain et le Mulot sylvestre, l’effraie de Vernix dispose de cinq espèces de proies secondaires qu’elle capture de façon pratiquement équivalente (entre 11 et 15%). Le Campagnol agreste, qui fréquente des milieux à végétation plus couvrante est consommé à part quasi égale avec le Mulot sylvestre, habitant des haies et des lisières boisées.
 


    La richesse de l’environnement est également illustrée par la diversité des proies annexes, au premier rang desquelles reviennent régulièrement la Musaraigne pygmée, le Campagnol roussâtre et le Rat des moissons. La présence de 5 restes de Musaraigne (Crossope) aquatique et d’1 individu de Campagnol amphibie indique que l’effraie exploite, au moins occasionnellement, les bords de la Sée ou de ses petits cours d’eau annexes (ruisseau de l’Etang par exemple), voire les chenaux des prairies humides. L’identification de restes crâniens, chaque fois d’un seul individu, de Belette, de Pipistrelle commune et de Pipistrelle de Kuhl, a encore ajouté au grand intérêt de ce lot qui globalement a permis de mettre en évidence la présence de 17 espèces de micromammifères dans ce secteur du sud Manche, ce qui constitue pratiquement un record.

    Compte tenu de la nature bocagère du paysage et de la taille du lot de pelotes, on peut s’étonner de n’y avoir trouvé aucun reste de Muscardin, alors que nombre de lots de moindre importance ou l’examen de noisette rongées ont permis de révéler la présence de cette espèce dans d’autres parties de la Manche, y compris au sud mais sur la frange est. Cette absence serait-elle fortuite, le Muscardin restant toujours une proie occasionnelle de l’Effraie, ou réelle dans ce secteur ? La question ainsi soulevée mérite des investigations par d’autres voies, notamment l’indice noisettes.
 

    Outre l’importante diversité spécifique, une autre originalité de ce lot, très imparfaitement rendue par le bilan global, réside dans la variété constatée au sein même des pelotes. Ainsi, dans une majorité d’entre elles, figurent autant ou presqu’autant d’espèces que d’unités de proies. Cette particularité ne peut que refléter l’imbrication étroite des divers biotopes constituant le territoire de chasse de l’Effraie gîtant aux « Vaux de Sée ».
 

    Ni les restes d’oiseaux, ni ceux d’amphibiens n’ont fait l’objet d’une identification à l’espèce. Les insectes trouvés dans les pelotes étaient 2 individus de Grande sauterelle verte, 1 grand longicorne et 1 autre gros coléoptère.
 

    Merci beaucoup pour la récolte et la transmission de ce lot !

François Leboulenger


Liste des oiseaux observés :

    la corneille noire
    l'étourneau sansonnet
    la buse variable
    la mouette rieuse
    la tarier pâtre (mâle et femelle)
héron cendré

    le pipit farlouse
    le rougegeorge familier
    la grive litorne
    la tourterelle turque
    le moineau domestique
    le choucas des tours
    la bergeronnette des ruisseaux
    le geai des chênes
    la grive mauvis

    Le corbeau freux
    le pinson des arbres
    la pie bavarde
    le héron cendré
    le pic épeiche
    le goéland argenté
    la mésange charbonnière
    la bergeronnette de Yarrell
    la bergeronnette grise
    le merle noir
    la poule d'eau
    le troglodyte mignon
    la mésange bleue
    le faucon crécerelle
    le pipit spioncelle
    la fauvette à tête noire
    le grimpereau des jardins
    la grive musicienne
    la mésange à longue queue
    le chardonneret élégant
    le roitelet huppé
    le grand cormoran


Donc 36 espèces, tout de même !

Textes : Jean Collette, François Leboulenger (l'analyse des pelotes de réjection), Thierry Grandguillot
Liste : Sébastien Crase
Photos : Pascal Dadu, Robert Chevalier, Thierry Grandguillot (ça en fait beaucoup, hein !)

nid de pigeon ramier ou de tourterelle turque
la corbeautière : des nids ont résisté aux premières tempêtes de l'hiver
2 corbeaux freux

tourterelle turque
roitelet huppé
chardonneret élégant
mésange à longue queue
déjà montrée plus haut !!
moineau domestique
étourneau sansonnet