dimanche 13 mars 2022

La réserve de l'Orange à Tirepied : Habitats et gestion

Cheminant le long de la Sée

    Deux articles de presse avaient annoncé la sortie du 13 mars 2022 : 38 participants étaient au rendez-vous ! Heureusement que l’objectif n’était pas d’observer les oiseaux mais de comprendre pourquoi l’Orange est intéressant pour les oiseaux.

La pancarte, à l'entrée, précise les conditions d'accès.

    Le site a d’abord été replacé dans le contexte de la vallée de la Sée, entre la source à Sourdeval (altitude 210 m) et  Avranches (7 m). À Tirepied, les 15 m d’altitude correspondent déjà depuis Brécey à la basse vallée et ses méandres : le fleuve n’a plus assez d’énergie vu la faible pente, il serpente dans les dépôts anciens de sédiments.  

Les aigrettes garzettes, présentes durant toute l'animation.

    Ici, de plus, le barrage du remblai routier en travers du lit majeur accentue le stockage de l’eau dans le sous-sol et le sol. L’humidité est ainsi plus marquée dans la partie aval de la réserve : il y a plus de joncs (vert foncé).

Sur l'extérieur du virage, l'eau creuse la rive.

    Chaque méandre est en constant déplacement : le courant attaque dans l’axe du courant la rive concave et  les méandres finissent par se recouper d’où la formation des bras morts.

Dans la partie convexe du virage, les crues engraissent la rive.

    La parcelle de 17 ha de l’Orange mesure au maximum 700 m de long sur 400 de large (zone inondable totale d’Avranches à Brécey : 1 100 ha) 


Explications sur la dynamique de la rivière.


    Depuis l’achat en 2017 par le GONm, 145 visites (3 fois par mois en essayant de coller au même calendrier chaque année : même date, même horaire, afin de comparer l’évolution des populations d’oiseaux) ont été réalisées et 107 espèces notées au mois une fois.

    Les compartiments de l’espace  et la gestion :
- la prairie, exploitée par un agriculteur locataire par bail environnemental (pas de d’engrais, pas de fumier, pas de lisier, pas de traitement chimique, pas de labour ; seulement pâturage et fauchage.)


L'aulne aime avoir les pieds dans l'eau ...

- le fleuve et ses rives boisées : la haie s’appelle la ripisylve, mini forêt en zone inondable à base d’aulnes glutineux, de saules, de ronces, de chênes. Une clôture empêche le bétail de brouter la végétation spontanée (l’abreuvement se fait par pompe à nez). Nous attendons la repousse des arbustes, saules et aulnes, coupés lors de la « rénovation » de la végétation des rives de la Sée qui nous a été imposée (et surtout mal gérée). C’est surtout la perte des cépées les plus vieilles, certaines riches de vieux troncs morts, qui a eu le plus de conséquences (troncs percés de cavités par le pic épeiche et donc à suivre population de nicheurs des trous : mésanges, étourneau...). Le courant est variable selon les tronçons : les radiers sont originaux : remous et « rapides » sont dus à des barres rocheuses de schistes sédimentaires dans le sous-sol formé de dépôts argileux laissés par les crues; problème de l’envasement de ces zones dites « à frayères » (les saumons pondent là) lors des épisodes de fortes pluies de printemps lorsque les sols sont labourés pour les semis : la Sée terreuse transporte une grande quantité de matières en suspension.   


Les chatons mâles de l'aulne : la mésange bleue vient y manger le pollen.
- les bras morts vont être recreusés en surface (et clôturés) pour retenir l’eau plus longtemps en surface au printemps (passage des limicoles en migration).

Les goélands argentés survolent 2 fois par jour la réserve.
- les méandres sont en cours de reboisement, arbres et arbustes fonctionnant comme des pompes à sels minéraux, extrayant en particulier l’excédent d’azote des eaux qui circulent dans le sol.  Ces bosquets augmenteront l’attractivité pour les passereaux de la ripisylve.
 
Cette cardamine des prés est en avance !

- des fossés sont recreusés et clôturés afin de laisser se développer la végétation des rives humides et de donner plus de chances de cantonnement aux passereaux de ces habitats (bruant des roseaux, tarier pâtre et aussi tarier des prés, phragmite des joncs en migration). Ces fossés sont « aveugles » c’est à dire qu’ils ne débouchent pas sur un exutoire destiné à chasser l’eau de la réserve. 

Ce fossé recreusé maintient l'eau présente une partie du printemps.

    Il faudra du temps pour vérifier l’effet de ces aménagements, d’autant que les populations d’oiseaux sont très variables selon les années en fonction de la météorologie (froid, inondations). De plus, pour certaines espèces, le déclin est généralisé (par exemple pour l’alouette des champs) et ce ne sont pas les seuls aménagements de l’Orange qui vont modifier ce constat.


Texte : Jean Collette
Photos : Claude Ruault, Thierry Grandguillot