dimanche 26 avril 2015

La vallée de la Sée


Partant du salon de la pêche, nous sommes 21 à affronter bravement un crachin printanier. Dans le bourg de Saint-Jean-de-la-Haize, les oiseaux liés aux bâtiments chantent un peu :

Le rougequeue noir est un oiseau originaire de la montagne. Depuis le 19ème siècle, il colonise les villes dans lesquelles il recherche la pierre. Le clocher de Saint-Jean se rapproche pour lui des falaises de son habitat d'origine.

La grive musicienne chante, les choucas fréquentent les cheminées, le pinson, la pie, l'accenteur et le merle noir fréquentent les jardins. Au retour, nous ajoutons à notre liste le verdier.

En passant la rivière sur la passerelle, nous entrons dans un bocage humide (très humide aujourd'hui !). Dans les arbres qui se couvrent de jeunes feuilles, le pouillot véloce, le troglodyte, la fauvette à tête noire chantent et se répondent. La mésange charbonnière, la mésange bleue et la mésange à longue queue s'accrochent dans tous les sens. Des pigeons ramiers , dérangés, s'envolent.

Le pic épeiche profite des peupliers dont les souches pourrissent rapidement : elles sont habitées de nombreux insectes, nourriture pour le pic. La grive draine est entendue, au loin.

Les choucas de Saint-Jean croisent ceux d'Avranches qui viennent se nourrir dans les prairies ou comme ici dans un champ de maïs récolté à l'automne dernier. Une aberration, ce champ : Un labour dans le lit majeur de la Sée, avec beaucoup d'intrants : Les adventices habituellement présentes dans les chaumes sont ici rares, ce qui indique un fort dosage de désherbant dans la saison précédente.

Les arbres abritent aussi la corneille noire, le discret bouvreuil pivoine que nous avons un peu entendu crier. Dans les plus grands peupliers, un grimpereau des jardins crie aussi. Une tourterelle turque se pose de l'autre côté de la rivière.

Les espèces directement liées à l'eau se montrent peu : 2 canards colverts sont dérangés par des kayakistes, 2 tadornes de Belon, en provenance de la baie remontent la vallée, des goélands argentés vont probablement jusqu'à Cuves se nourrir dans les déchets et cerise sur le gâteau, 2 grandes aigrettes rament lentement dans le ciel, alors que nous rejoignons les voitures.

Sur les rives de tangue, nous relevons les traces de mammifères : le ragondin, abondant, laisse de grosses empreintes, on voit même parfois la trace de sa queue ; plus haut passe le blaireau.

Prochain rendez-vous le dimanche 24 mai : jardin et bocage du Mortainais à Sourdeval, à la Fieffe aux Landelles. Covoiturage possible à 9h30 place du jardin des plantes, ou 9h45 à l'école de Tirepied.

Thierry Grandguillot


La vallée de la Sée : des zones humides dans un espace agricole

Avec ses 68 km de cours, la Sée est un petit fleuve côtier. Les statistiques indiquent 1 100 ha de zones inondables : c’est le lit majeur, là où s’épandent les eaux des crues lors des inondations. En réalité, il y a deux familles de paysages à l’intérieur de ces zones inondables : soit le petit bocage traditionnel hérité des années 1950, soit les grandes parcelles ouvertes.

Dans le premier cas (peu répandu maintenant), les oiseaux des haies sont dominants, avec cependant des nuances importantes par rapport au bocage « sec ». Par exemple, des migrateurs vont circuler dans ces haies en attendant de rejoindre les marais où ils vont nicher : ainsi, le phragmite des joncs chante au passage dans les haies. Ou encore, la poule d’eau va profiter des haies inondées pour remonter dans les champs loin du fleuve. 

Quand les parcelles sont très ouvertes, d’autres espèces passent et se posent : les vanneaux, les goélands, les mouettes, les oies...

Le fleuve lui-même retient peu d’espèces caractéristiques : la bergeronnette des ruisseaux sur le cours amont rapide et les affluents, le martin-pêcheur, la poule d’eau. Le canard colvert stationne sur les tronçons bien couverts par les saules, le grand cormoran pêche en eau assez profonde.

Mais ce sont les rives et leur végétation qui sont les plus riches. L’aulne et le saule sont les deux essences les plus courantes. Le premier régresse sous l’effet d’une maladie provoquée par un champignon ; c’était pourtant un constituant important de cette haie de rive que les spécialistes appelle « la ripisylve ». Les tarins, les mésanges, les chardonnerets, etc consomment tout l’hiver les graines de cet arbre. Les saules constituent maintenant l’essentiel du boisement. Cette essence pose un problème : elle a tendance à s’écrouler sur l’eau, provoquant des embâcles, barrages naturels d’obstacles flottant. Pour le naturaliste, ces obstacles ne sont pas un problème (il en faut plus pour arrêter un saumon qui remonte !) Pour d’autres utilisateurs, le passage est bloqué...

Il faudrait replacer la question de l’entretien dans un contexte plus large incluant nos besoins en eau (la nappe sous le lit majeur joue un rôle non négligeable dans le débit du fleuve), la lutte contre les dégâts aux biens (et non la lutte contre les inondations !), le respect du lit du fleuve et de sa dynamique (les méandres évoluent naturellement), et enfin les autres usages (pêche, navigation...)

Globalement, l’avifaune de la vallée s’appauvrit depuis 20 ans. Certaines espèces qui nichaient par exemple dans les prés de l’hôpital ont disparu (alouette des champs, pipit farlouse...) Au passage, les limicoles (petits « échassiers ») se font plus rares (régression de 65 % de l’ensemble des données pour les chevalier cul-blanc, le guignette, la bécassine...) Les espèces des prairies humides ont partout disparu ou fortement régressé. Sur plus de 1 000 relevés depuis 1995 à Tirepied, le bruant des roseaux a reculé de 87 % dans les comptages de la basse vallée, la bécassine des marais de 75 %, le phragmite des joncs de 64 %... La vallée n’est pas seule en cause, mais les habitats qu’elle offre maintenant aux oiseaux sauvages se sont considérablement appauvris, en particulier sous l’effet des mutations de l’agriculture. Même des parcelles en zone inondable sont maintenant labourées...

Jean Collette



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