Journée européenne du patrimoine culturel et naturel :
Tirepied : le verger haute tige et les oiseaux
Samedi 20 septembre après-midi, Monsieur et Madame Legent nous ont accueilli (nous étions 18) chez eux à La Busnolière. La visite de leur verger a permis d’illustrer la vie sauvage autour du pommier et d’évoquer l’aspect patrimonial de la production de pommes. Il est important de préciser que le calvados produit est ici sous AOC (Appellation d’Origine Contrôlée, dite AOP dans le cadre européen : origine protégée), ce qui implique des obligations de production strictes inscrites dans un cahier des charges. Les modifications demandées par une partie de la filière professionnelle tendraient à faire disparaître ce verger haute tige des obligations, les pommes ne venant alors que de pommiers basse tige, ce qui change tout de notre point de vue « d’observateurs d’oiseaux »...
Le tronc des vieux arbres fruitiers se creuse et laisse apparaître du bois mort perforé de galeries occupées par des larves d’insectes. Le pic épeiche et d’autres viennent creuser ce bois mort pour y chasser les proies. Certaines cavités plus importantes servent de loge (=de nid) au pic qui peut s’y reproduire ou passer la nuit. Les mésanges en particulier ont besoin de ces trous pour y nicher à leur tour. Nous entendons les cris des mésanges bleues et même un chant de mésange charbonnière ! Les mésanges sont des auxiliaires irremplaçables du pommier qu’ils débarrassent de nombreuses chenilles.
Une loge de pic creusée dans un tronc fragilisé par des champignons. |
Les haies qui entourent le verger sont capitales pour la bonne santé des pommiers : les oiseaux des buissons viennent chasser dans le verger et même y nicher ! Un nid de merle posé sur une branche de pommier le prouve. Les rouges-gorges alertent et chantent durant toute notre visite (dont un individu à cri dur inhabituel qui occupe une partie du verger lui-même...) Les aubépines portent des fruits murs consommés par merles, grives et fauvettes. Des fruits tombés au sol portent des traces de bec en V.
Nid d'un merle noir. |
L’oiseau le plus typique du verger, la grive draine (la « grive des pommiers »), sera vu discrètement à plusieurs reprises : 4 ensemble, probablement une famille. De même que dans le ciel, 4 buses tournent : les cris des immatures ne trompent pas, les jeunes tournent avec les adultes.
Nous remercions M. et Mme Legent pour leur bon accueil et la dégustation au frais.
Monsieur Legent dans son verger (Oct 2008)
Détail
important, plus de 20% des pommiers ont moins de 20 ans,
ce qui
représente le bon taux de renouvellement des arbres pour la survie du
verger à long terme.
Quelques informations complémentaires sur l'intérêt pour les oiseaux des vergers en haute tige :
Défense et illustration du verger haute tige traditionnel normand :
Le rôle conservatoire de biodiversité appliqué aux oiseaux
Des résultats publiés à partir des études du Groupe Ornithologique Normand, il ressort que :
- le verger haute tige, surtout quand il est associé à un maillage de haies bocagères, accueille un plus grand nombre d’espèces que le verger basse tige ;
ex : En 1995, pour 11 relevés de 30 min, en moyenne par relevé 17 espèces en HT contre 3,2 en BT ;
En 2002-2003, pour 100 h de relevés, on note au total 58 espèces en HT contre 25 en BT
- le verger haute tige, surtout quand il est associé à un maillage de haies bocagères, accueille un plus grand nombre d’individus que le verger basse tige ;
ex : En Bocage normand aussi bien qu’en Pays d’Auge, le verger HT compte 6 fois plus d’individus en moyenne que le verger BT lors d’un relevé (moyenne calculée sur 12 mois)
- les oiseaux cavernicoles liés à l’existence de cavités pour se reproduire n’occupent que le verger haute tige dont les troncs produisent rapidement des cavités à partir de 20 ans sous l’effet de la taille en particulier ;
ex : la sittelle torchepot, le grimpereau des jardins, le pic épeichette, la mésange nonnette en particulier sont bien présents en HT, totalement absents en BT.
- certaines espèces localisées, rares ou disparues étaient - ou sont encore pour certaines - rencontrées dans cet habitat : pie-grièche à tête rousse, torcol fourmilier, moineau friquet, pigeon colombin, huppe fasciée, gros-bec casse-noyaux, chouette chevêche... La présence avérée de la mésange huppée nicheuse en verger HT semble originale.
Pour toutes ces raisons, le GONm souhaite que la filière de commercialisation des produits issus des fruits produits par les vergers haute tige conserve une place significative à ce type de conduite du verger dans la rédaction du cahier des charges des AOC « Calvados » et « Calvados Pays d’Auge », ce qui n’est pas le cas dans les projets actuels.
La visite du verger de M. et Mme Legent à Tirepied dans le cadre des journées européennes du patrimoine culturel et naturel a permis de rappeler que cet habitat est le résultat du travail de l’homme, résultat d’une longue pratique. C’est aussi un milieu original, entre forêt et prairie : le pré-verger est la configuration parfaite de l’agroforesterie, nouvelle voie agronomique d’avenir conciliant les impératifs de l’agriculture durable : production au moindre coût et conservation de la biodiversité associée.
GONm/J.Collette/2014-09-20
photos Sébastien Crase, Jean Collette et Andrée Lasquellec
Traces de galeries d'insectes mangeurs de bois mort
("Saproxylophages") sur un tronc de pommier. Ce sont les larves cachées
dans les galeries qu'elles creusent en se nourrissant qui sont chassées
par les pics et autres oiseaux insectivores.
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